Dr Papa Samba Diop, membre du Comité international de pilotage du 9ème Forum mondial de l’eau, atteste, dans cet entretien, que l’esprit de ce grand rendez-vous a été respecté. Il en veut pour preuve les engagements de financements pris par plusieurs partenaires et des bailleurs qui ont participé au Forum de Dakar.
Peut-on dire que le Sénégal a relevé le pari de l’organisation du 9ème Forum mondial de l’eau ?
J’ai participé à quatre forums sur un total de 8 organisés depuis le début de cette initiative. Je peux affirmer que le Sénégal a mis la barre très haute au point de vue de l’organisation. Malgré la pandémie, cette période d’incertitudes, le Secrétariat exécutif dirigé par Abdoulaye Sène n’a jamais baissé les bras. Nous avons toujours travaillé comme si le forum allait être organisé demain. C’est pour cela que nous n’avons pas été surpris.
Quelles sont les grandes recommandations de ce forum ?
Ce forum est celui des réponses. L’appel a été lancé à l’endroit des bailleurs et des partenaires techniques et financiers. L’objectif, c’était de mobiliser des personnes qui peuvent prendre des engagements et des décisions pour mobiliser les financements. Au-delà, nous avons estimé qu’il fallait aussi labelliser des projets qui impactent déjà la vie des populations. Au total, 120 projets ont été labellisés. L’Onas a eu 8 projets labellisés. Il y a aussi la mobilisation des chefs d’État avec le Président Macky Sall qui travaille pour la mise en place d’un fonds bleu. Les gens sont engagés pour financer ces projets afin qu’ils puissent continuer à améliorer les conditions de vie des populations.
De plus en plus, l’Onas fait plus la promotion du système d’assainissement autonome. Qu’est-ce qui justifie cette option ?
L’Onas exécute une feuille de route définie par le Ministère de l’Eau et de l’Assainissement. Cette politique s’adosse sur le Pse avec les Objectifs de développement durable (Odd). En plus des circuits classiques de montage et de financement de projets, nous explorons le Partenariat public-privé. J’ai rencontré plusieurs partenaires techniques qui ont amené des fonds d’investissement. Ces bailleurs sont aujourd’hui prêts à financer d’autres projets de l’Onas. Donc, nous pouvons confirmer que le Sénégal a bel et bien réussi à organiser le forum des réponses. La mobilisation des ressources financières au profit du sous-secteur de l’assainissement est encadrée par l’État à travers le Ministère des Finances. Il faut le reconnaître, sans les mécanismes innovants de financement, nous ne pouvons pas atteindre les Odd. L’autre aspect, c’est le mixte assainissement. Il y a des villes où le système collectif est la solution, mais dans d’autres, il faut un système d’assainissement autonome. J’ai pu démontrer que dans une ville qui n’avoisine pas 150.000 habitants, si vous mettez en place un système d’assainissement collectif, c’est un gâchis.
Qu’est-ce qui bloque le passage à l’échelle de la réutilisation des sous-produits de l’assainissement ?
Non ! La réutilisation des sous-produits marche. Nous avons organisé une session spéciale sur l’économie circulaire lors du forum. L’économie circulaire contribue à la préservation de l’environnement. Cette position a été défendue par certaines personnes lors de cette session. Au Sénégal, nous produisons des cendres, des boues, de l’eau épurée pour l’agriculture, sans oublier de l’énergie. Donc nous sommes dans l’économie circulaire depuis des années. J’ai défendu un projet consistant à dépolluer l’eau de Thiaroye. Une partie de l’eau traitée sera réservée à la consommation, l’autre reversée dans le quota des maraîchers. Les universités auront un grand rôle à jouer dans la concrétisation de ce projet. Ma conviction est qu’il faut renforcer la participation des universitaires et des scientifiques dans la mise en œuvre des projets dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Maintenant pour une réutilisation à grande échelle des sous-produits de l’assainissement, nous devons impliquer les acteurs de la santé, des épidémiologistes.
Quel bilan tirez-vous de la participation de l’Association africaine de l’eau ?
Le bilan est largement positif. L’Association africaine de l’eau (Aae) est un partenaire stratégique du forum. En tant que président du Conseil scientifique et technique de l’Aae, je m’en réjouis. Nous avons proposé des Sides Event et des sessions thématiques. Ce sont des thématiques qui recoupent nos réflexions durant nos congrès. L’Aae va élaborer une nouvelle feuille de route sur la base des recommandations de ce forum.
On dit souvent que les recommandations issues de ces rencontres ne sont pas mises en œuvre. Êtes-vous de cet avis ?
La souveraineté des États est une contrainte majeure à l’application des recommandations issues de ces grands évènements. Si nous n’arrivons pas à amener ces résolutions à un niveau supranational, il y aura des problèmes. Si ces résolutions sont portées par les Nations unies, cela va faciliter leur mise en œuvre. Heureusement que le Président Macky Sall, en tant que Président en exercice de l’Union africaine, va porter ces recommandations. Je reste optimiste qu’elles vont améliorer les conditions d’accès à l’eau et à l’assainissement dans plusieurs pays.